De nos jours, les salariés sont joignables à tout moment, munis de multiples terminaux tels que les smartphones, ordinateurs et tablettes. Finis les messages à minuit, les emails au milieu de la nuit et les appels le weekend : La loi Travail entrée en vigueur au 1er janvier 2017 prévoit un droit la déconnexion pour les salariés !
De manière concrète, un employé ne sera plus dans l’obligation de répondre à des messages, appels ou sollicitations en dehors de ses heures de travail, ce qui lui permet de profiter pleinement de son temps de repos et de congés.
Mais ce droit à la déconnexion ne concerne que les sociétés de plus de 50 employés. Si cette loi fait beaucoup de bruit dans les médias, c’est que c’est la première fois dans le monde qu’une législation encadre l’utilisation des outils numériques professionnels au sein de la vie privée.
Pourquoi un « droit à la déconnexion » ?
Smartphones, tablettes, ordinateurs sont autant d’outils du quotidien qui nous permettent d’être connectés en permanence, à toute heure de la journée et de la nuit, au travail comme à la maison.
Les outils numériques utilisés au bureau ont bel et bien envahi la vie privée de nombreux salariés qui, pour s’adapter à ces nouveaux modes de travail, se voient souvent obliger de répondre à des communications professionnelles pendant leur temps de repos.
A l’heure où le monde du travail est fortement marqué par une forte concurrence et la logique du court terme, l’hyper connexion est devenue la tendance et apporte avec elle son lot d’abus et de risques pour la santé des employés, allant jusqu’au burn-out pour certains.
37% des actifs consultent leurs outils numériques professionnels en dehors du travail
Selon un sondage du cabinet Eléas, 37% des actifs consultent leurs outils numériques professionnels en dehors du temps de travail et 62% d’entre eux souhaitaient voir un nouvel encadrement de l’usage des outils numériques.
Comme l’explique Patrick Thiébart, avocat spécialisé en droit social, “La transition numérique joue directement sur les éléments constitutifs du contrat de travail que sont le lieu et le temps de travail ainsi que le lien de subordination”.
La frontière entre la vie professionnelle et la vie privée paraît de plus en plus ténue, et l’état entend précisément remédier à ce problème en obligeant les entreprises de plus de 50 salariés à appliquer le dispositif de la loi travail sur le droit à la déconnexion.
Aussi la loi exige-t-elle des entreprises qu’elles prennent des mesures afin «d’assurer le respect des temps de repos et de congés, ainsi que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale».
Quelle application ? Quelles mesures ?
La déconnexion est depuis le 1er janvier 2017 reconnue comme un droit, que les salariés pourront désormais faire valoir, notamment aux prud’hommes (en cas d’abus de la part de leur employeur ou de leur manager).
Voilà pour le côté théorique. D’un point de vue pratique, la loi oblige l’entreprise à négocier avec ses employés sur le droit à la déconnexion, mais il n’y a pas d’obligation d’accord, ni de délai prévu pour la négociation.
Ainsi, l’employeur peut rédiger lui-même une charte, tout en la soumettant au Comité d’Entreprise de la société. Les salariés pourront s’appuyer sur l’accord, ou à défaut sur la charte, s’ils estiment que leur temps de repos n’a pas été respecté.
Une loi pas si contraignante finalement
La loi à la déconnexion n’oblige aucunement les employés à ne pas répondre aux SMS ou emails envoyés en dehors des heures de bureaux, et n’exige pas non plus des entreprises à couper leurs serveurs à partir d’une certaine heure.
Sans être réellement contraignante, la loi incite au dialogue. Mais il reviendra au manager de s’assurer de la « déconnexion » de son équipe, ce qui implique bien sûr de nouvelles pratiques de management (envoyer des emails en différé ou tout simplement privilégier la communication directe, par exemple), qui pourraient par ailleurs être inscrites dans l’accord ou la charte.
Outre la mise en place de ces documents, l’entreprise est aussi encouragée à mener des actions de formation et de sensibilisation à l’usage des outils numériques.
En théorie : une meilleure protection du salarié
On l’a bien compris, l’objectif premier de la loi est d’offrir aux salariés une protection face à l’hyper connexion, limitant ainsi les risques que celle-ci engendre sur leur santé : angoisse, irritabilité, dépression, fatigue, et enfin burn-out…
Cependant, tous ne sont pas convaincus de l’efficacité du texte en la matière, et certains, comme Sylvain Niel, avocat expert au cabinet FIDAL, pensent que la loi pourrait même générer plus de pression au travail, forçant les employés à terminer leurs tâches plus rapidement, en « sautant » par exemple la pause-déjeuner.
Les stratégies de management en cause
Pour Jean-Noël Chaintreuil, spécialiste des questions de Ressources Humaines appliquées au digital, l’outil numérique n’est pas le seul responsable de la pression subie par l’employé, car celui qui l’exerce est avant tout le (ou la) manager.
Pour lui, aucun doute, c’est la stratégie et le management qui sont à incriminer. En ce sens, la loi ne permettrait donc pas de s’attaquer aux mauvaises pratiques. Pis encore, elle pourrait être contre-productive et augmenter la pression sur les employés durant leur temps de travail.
Enfin, les syndicats, qui avaient réclamé que ce droit soit inscrit dans la loi, regrettent les insuffisances du texte et voient d’un très mauvais œil la possibilité pour l’employeur de rédiger unilatéralement une charte, et l’absence de sanction pour l’employeur en cas de refus de négocier avec les employés.