C’est l’une des tendances de la réflexion scientifique de ces dernières années : et si la nature avait bien plus à nous offrir qu’on ne le soupçonne ? Pour reprendre l’expression d’Idriss Aberkane, chercheur, penseur et éditorialiste français, nous devrions peut-être commencer à nous inspirer de la nature, au lieu de simplement la consommer. De plus en plus de chercheurs commencent à adopter cette démarche, et les défenseurs du bio mimétisme ne cessent de vanter les merveilles de technologie dont la nature est pourvue. Ils s’inspirent donc de prouesses naturelles pour mettre au point des procédés aussi audacieux qu’efficaces. Si on ne devait citer qu’un exemple, ce serait l’invention du Velcro par George de Mestral en 1941. Mais il y a aussi Airbus qui a récemment imité des ailerons de requin pour dessiner ses avions, tandis que le design du train Shinkansen japonais est inspiré du bec du martin pêcheur, afin de passer d’un milieu à un autre sans perte de vitesse.
Si tous ces exemples sont très impressionnants, l’Université californienne de Standford vient de réaliser une véritable prouesse en la matière : ses chercheurs viennent de mettre au point un robot capable de tracter 2000 fois son poids. Ça ne vous dit rien ? A titre de comparaison, c’est comme si six humains tractaient à eux seuls la Tour Eiffel et trois Statues de la Liberté, ou bien un être humain qui déplacerait une baleine bleue à lui tout seul. Rien que ça !
Des scientifiques inspirés des fourmis
L’Université de Stanford n’en finit pas d’étudier la nature, possédant plusieurs départements pour ce qui concerne l’univers de la robotique, dont une unité de recherche particulière : la robotique biomimétique et la manipulation agile (BDML). Leur credo : la nature reste le seul ingénieur capable de créer des multitudes de cycles de production, sans consommer d’énergies fossiles, ni produire de déchets. Cet ingénieur original puise sa créativité dans les contraintes et s’adapte toujours à son environnement. Après s’être inspirés des geckos qui ont des capacités surprenantes à adhérer aux surfaces verticales pour créer des robots miniatures capables de tirer 2000 fois leur poids, ils s’intéressent maintenant aux fourmis, ayant la faculté de travailler ensemble et transporter de gros volumes, malgré leur petite taille. Les chercheurs de cette unité travaillent à présent sur des robots de 100g à peine, et se sont rendus compte qu’il était impossible pour ces machines mimant les mouvements de fourmis d’adhérer au sol correctement, de tracter un poids supérieur au leur. Ils ont donc mis en place un système adhésif qui colle le robot au sol et lui permet de faire bouger un objet au poids supérieur. Leurs robots sont de petites machines parfaitement synchronisées qui travaillent ensemble pour tirer une automobile, certes très lentement mais au même rythme que les fourmis.
« C’est comme si six humains étaient capables de tracter le poids équivalent à une Tour Eiffel et trois Statues de la Liberté ». Chercheur à l’Université de Stanford.
Le laboratoire de l’université avait déjà publié une vidéo en 2015 pour expliquer le fonctionnement du système : les robots sont équipés de semelles munies de poils en caoutchouc orientées vers l’avant, qui permettent d’adhérer au sol de manière très forte et de résister à la traction des moteurs. Cette fois, les fameux Microtrugs (micro-remorqueurs en français) de 17g chacun, tirent une voiture de plus de 1800 kg. Pour que vous puissiez vous faire une idée de l’exploit, les chercheurs ont donné l’image suivante à la presse, qui rapporte l’information : « C’est comme si six humains étaient capables de tracter le poids équivalent à une Tour Eiffel et trois Statues de la Liberté ». Les détails de leurs travaux seront présentés à l’occasion de l’ICRA 2016, conférence internationale sur la robotique qui se déroulera à Stockholm au mois de mai prochain.
Et si la nature avait bien plus à nous offrir ?
La nature est une vraie source d’inspiration pour les chercheurs. Qu’il s’agisse de plantes ou d’animaux, certains organismes déploient de remarquables facultés, dont les mécanismes aident à perfectionner nos technologies. C’est donc les nouveaux mots d’ordre de la recherche scientifique : et si la nature, et en particulier les fourmis, avaient beaucoup plus à nous offrir qu’on le pense ? En effet malgré leur taille, les fourmis sont connues pour être capables de soulever plus de 1000 fois leur propre poids. Plutôt pas mal pour un être vivant qui ne pèse qu’une vingtaine de milligrammes non ? Les fourmis sont aussi des insectes incroyablement sociaux, d’autant plus forts lorsqu’elles coopèrent les unes avec les autres, formant ainsi de longues chaines. Leur force, c’est la coopération et l’utilisation de trois de leurs six pattes en simultanée.
Le bio-mimétisme ne se limite pas à la technologie, c’est toute une philosophie qui permet de repenser l’organisation des entreprises afin de se concentrer sur la coopération, la complémentarité ainsi que sur l’adaptation. L’innovation ne passe pas forcément par la technologie.
Exemple le plus parlant du bio-mimétisme : le Shinkansen
Le Shinkansen, TGV japonais, possède une énorme qualité : celle de rouler très vite, à plus de 300 km/h. Mais plus le train va vite, plus il est bruyant. Le Shinkansen a donc vite dépassé les normes acoustiques, ce qui est très préjudiciable étant donné qu’il traverse des villes et zones urbaines. Eiji Nakatsu, ingénieur ferroviaire et passionné de biologie, a trouvé la solution. Il s’est interrogé : pourquoi y a-t-il tant de bruit au passage du Shinkansen dans les tunnels, alors que le martin-pêcheur parvient lui à plonger pour attraper ses proies dans l’eau sans aucune éclaboussure ? Les deux phénomènes sont comparables : le train comme l’oiseau rencontrent brusquement une forte résistance. Mais l’oiseau traverse l’eau comme une fleur grâce à son bec tranchant.
Eiji Nakatsu a donc repensé le design du TGV en s’inspirant du bec long et tranchant de cet oiseau. Résultat : plus aérodynamique, le TGV japonais demande 15% d’énergie en moins et va encore plus vite, sans plus d’explosions au passage du TGV dans les tunnels.