D’après un rapport publié le 14 mai par les ONG Oxfam et Basic, les groupes du CAC40 reversent deux tiers de leurs bénéfices à leurs actionnaires depuis 2009. C’est deux fois plus que dans les années 2000.
Toujours selon le rapport, intitulé « CAC 40: des profits sans partage”, ces dividendes sont accordés au détriment des investissements et des salariés, qui se voient reversés seulement 27,3% et 5,3%. Si ce rapport fait grand bruit, il est également très critiqué pour ses “nombreuses erreurs méthodologiques” et passages sous silence. Analyse.
Deux tiers des bénéfices redistribués aux actionnaires
Selon le rapport réalisé par Oxfam et le Bureau d’analyses sociétale appelé « CAC 40 : des profits sans partage”, les groupes du CAC40 ont redistribué plus de 65% de leurs bénéfices à leurs actionnaires depuis 2009. Cela laisse 27% aux réinvestissements, et 5% aux salariés.
Ainsi, la France est le pays où les entreprises cotées en bourses reversent la plus grande part de leurs bénéfices à leurs actionnaires. C’est deux fois plus que dans les années 2000. Les deux ONG soulignent que ArcelorMittal, Engie et Veolia présentent les taux de redistribution aux actionnaires les plus élevés.
Dans l’ensemble des entreprises du CAC40, Oxfam a calculé que sur €100 de bénéfice, €67,40 étaient reversés aux actionnaires, tandis que €27,30 sont réinvestis et seulement €5,30 sont reversés aux salariés sous forme de primes. Ce qui inquiète particulièrement les ONG, c’est que la générosité des grands groupes s’est accentuée, et ce en dépit des crises économiques.
Citée dans un communiqué officiel, la porte parole d’Oxfam France, Manon Aubry déplore que les richesses n’avaient “jamais été aussi mal partagées depuis la crise au sein des grands groupes français”, et que les entreprises du CAC40 “choisissent délibérément une course aux résultats de court terme afin de conforter les actionnaires et grands patrons”.
Elle appelle le gouvernement à “reprendre la main sur cette économie déboussolée avec des mesures de régulation ambitieuses” en “préservant la capacité d’investissement et en interdisant que la part des bénéfices reversée aux actionnaires dépasse celle qui est reversée aux salariés« .
Les salaires également pointés du doigt
Les entreprises françaises ont grandement bénéficié de la politique pro-libérale de François Hollande, ainsi que de la fiscalité sur le capital adoucie par Emmanuel Macron.
Malgré cela, des écarts salariaux entre les hauts et bas salaires sont plus flagrants que jamais : les patrons du CAC40 gagnent en moyenne 257 fois le SMIC et 119 le salaire moyen de leur entreprise.
Carrefour est la société où les plus gros écarts sont constatés, avec un PDG qui touchait 553 fois le SMIC en 2016. Ainsi, la principale victime de cette générosité n’est autre que le salarié.
3 raisons expliquent cette situation
Interrogé par Europe1, le Président de la société d’intelligence statistique et d’analyse économique Stacian Jean-Charles Simon a critiqué le rapport d’Oxfam qui selon lui contiendrait de “nombreuses erreurs méthodologiques” et serait donc “erroné”.
1. Les dividendes n’impactent pas l’investissement
Bien que le rapport suggère le contraire, le versement des dividendes ne se fait pas forcément au détriment de l’investissement : en effet l’investissement peut également être financé par l’endettement, ou en ayant recours au marché.
Ces méthodes sont couramment utilisées par les entreprises du CAC40, qui sont pour la plupart des groupes anciens avec de grandes facilités d’emprunt auprès des banques. En ce qui concerne le versement de dividendes, il faut noter qu’après la crise de 2008, la lenteur de l’économie a poussé les grands groupes à verser davantage de dividendes pour attirer les investisseurs, pour une certaine “volonté de plaire”.
2. La constitution particulière du CAC40
Pourquoi la France est-elle la championne des dividendes ? En raison de la composition du CAC40 : uniquement de gros navires industriels.
Du côté des Etats-Unis par exemple, les indices boursiers intègrent des grands groupes du digital comme Google, Facebook et Apple qui ne versent pas de dividendes importants.
3. Les dividendes ne reflètent pas l’état du capital
Le rapport d’Oxfam omet de préciser que les dividendes sont fixés sur le cours d’actions qui est fluctuant. Ainsi, un actionnaire peut continuer à gagner de l’argent sur des dividendes, tout en perdant de l’argent sur le capital.
Avec les crises, la plupart du temps les dividendes compensent tout juste la baisse des cours.