Files d’attente de 200 personnes, bagarres, intervention de la gendarmerie. Ces scènes apocalyptiques n’ont pas été provoquées par une alerte à la bombe, mais par des promotions à -70% sur des pots de pâte à tartiner dans des supermarchés.
Des pots de Nutella à un prix de €1,41 au lieu de €4,50, il n’en fallait pas plus pour provoquer des émeutes dans plusieurs magasins Intermarché de France. La vente à perte étant interdite par le Code du Commerce français, on peut s’interroger sur la légalité de telles pratiques. Analyse.
Des pots de Nutella à -70%
L’enseigne Intermarché proposait le 25 janvier des pots de Nutella à €1,41, ce qui représente une réduction de -70%. La campagne promotionnelle était annoncée dans la presse écrite, ainsi qu’à la radio et sur les réseaux sociaux.
Il n’en fallait pas plus pour provoquer des files d’attentes monstre et des bousculades dans plusieurs magasins. D’après Le Progrès, certains magasins de la Loire ont vendu en quinze minutes une quantité de produits écoulée en trois mois.
Produit par le groupe italien Ferrero, le pot de Nutella est vendu à 88 millions d’exemplaires chaque année en France. Cela assure à la société la première place des pâtes à tartiner avec 78% de parts de marché. Un véritable emblème pour les consommateurs. Ainsi, ce qui pourrait être un simple fait divers devient un cas d’école, qui montre les contradictions profondes de nos modes de consommation.
Avec 20% d’huile de palme et 50% de sucre, le Nutella ne fait pas figure de bon élève pour notre santé. Alors que l’OMS vient de publier un rapport alarmiste sur notre alimentation trop sucrée, le moment était mal choisi pour se lancer dans cette vaste opération de rabais.
Selon les étudiants dentistes, cette affaire serait tout autant désastreuse qu’une baisse de 70% du prix des cigarettes par les buralistes lors d’une campagne anti-tabac.
Ces promotions sont-elles légales ?
La réponse courte est oui. Aujourd’hui, il n’existe pas de limites dans les promotions, à condition de ne pas vendre à perte. En France la vente à perte est formellement interdite par le Code du Commerce, mais le distributeur peut tout à fait négocier avec l’industriel et prendre sur sa marge.
Pour être dans la légalité, avec un pot de Nuella à €1,41 au lieu de €4,70, Intermarché fait donc habituellement une marge de 233% sur le produit. Les services de la répression des fraudes (DGCCRF) ont d’ores-et-déjà ouvert une enquête afin de déterminer si cette opération commerciale était légale ou non.
Légalement, la vente à perte est tolérée sous sept conditions : si l’entreprise change d’activité ou cesse son activité, si la vente revêt un caractère saisonnier, si le produit est passé de mode, périmé, ou soldé. Dans le cas où le produit est soldé, il doit avoir été acheté plus d’un mois avant le début de la période et la promotion ne doit pas être déloyale pour la concurrence.
Du côté de chez Ferrero, c’est le silence radio. Si la marque déplore les conséquences de l’opération, elle nie toute implication et affirme que la promotion a été décidée par Intermarché de façon unilatérale.
La réaction du gouvernement est immédiate
Suite à l’affaire Nutella, les états généraux de l’alimentation ont constaté que les politiques de prix très bas étaient destructives pour la filière agro-alimentaire. Ainsi, un projet de loi sera présenté afin d’encadrer les pratiques de la grande distribution française.
Parmi les mesures phares, on retrouve la hausse de 10% du seuil de revente à perte, et la limite des promotions des grandes surface à 34% du prix d’achat par le distributeur. Cela interdirait les promotions à -70 % pratiquées par Intermarché.
En vue de l’application de cette loi, l’ensemble des distributeurs français ont signé une charte de bonne conduite qui sera appliquée le temps des négociations. Cependant, le Ministre de l’Economie, Bruno Le Maire ne semble pas satisfait : selon lui les engagements ne sont pas respectés. Emmanuel Macron a rapidement réagi est réclamé une réunion en présence des acteurs de la grande distribution. Affaire à suivre.