La Route de la Soie vous évoque certainement des caravanes remplies d’épices, de tapis perses, et de pierres précieuses qui parcouraient les déserts arides. Au IVème siècle, alors que la Chine était le premier producteur mondial de soie, les marchands transportaient le tissu vers l’Europe, grâce à un réseau de pistes et routes commerciales, pour revenir chargés d’or. En 2013, le Président de la Chine Xi Jinping annonçait vouloir faire renaître la mythique route, grâce au projet pharaonique «One belt, One road», qui permettrait de construire des centaines d’infrastructures telles que des routes, chemins de fer et ponts, pour relier la Chine à l’Europe par voie terrestre et maritime. Grâce à ce projet de grande envergure, la Chine pourrait maintenir sa position en tant que super puissance économique. Si cet évènement passe presque inaperçu au sein des pays occidentaux bien trop occupés avec les élections américaines et la réorganisation de l’Europe, il s’agit d’un mouvement majeur pour l’économie globale, voire l’évènement géopolitique le plus important depuis la reconstruction de l’Europe qui a eu lieu après la deuxième guerre mondiale.
La Chine recherche de nouveaux moteurs de croissance
La production industrielle chinoise a fortement ralenti, et le géant asiatique se transforme en une économie tournée vers sa demande intérieure à partir d’un modèle basé sur l’industrie lourde, voué à exporter vers l’occident. Ainsi le pays enregistre aujourd’hui sont taux de croissance le plus faible depuis 20 ans. Certes, plus de 600 millions de chinois sont sortis de la pauvreté, mais la Chine a besoin de trouver de nouveaux leviers de croissance que seul le commerce international peut lui apporter.
Xi Jinping : accélérer la connectivité mutuelle avec les autres pays
Le projet «One belt, one road» annoncé par Xi Jinping au Kazakhstan en 2013, va permettre à la Chine d’exporter son modèle de développement à d’autres pays afin de stimuler la demande pour les produits chinois. Cela passe par une connectivité mutuelle qui prendra la forme de chemins de fer, ports et réseaux routiers partant de l’ouest de la Chine pour arriver en Europe et Afrique, mais aussi de réseaux maritimes grâce une série de ports et d’infrastructures. Ainsi, les échanges de la zone devraient passer de $400 milliards en 2012 à $1.000 milliards en 2020.
«Pour la Chine, il s’agit d’un plan stratégique qui vise à réorienter sa géopolitique vers l’intérieur du continent, notamment vers l’Asie centrale et l’Europe, plutôt que vers l’Est et sa côte Pacifique. C’est aussi un projet pour contrecarrer les influences russe et américaine dans la région. C’est en quelque sorte une nouvelle diplomatie chinoise, qu’on peut qualifier de “réalisme institutionnel”, et qui consiste à bâtir de nouvelles infrastructures à l’étranger pour influencer les politiques mondiales». Simon Shen, Directeur du Global Studies Program, Université chinoise de Hong Kong.
Sécuriser les routes d’approvisionnement énergétiques de la Chine
Selon Xi Jinping, le but est ici renforcer les liens commerciaux entre les pays traversés ainsi que les liens diplomatiques entre les états. Mais derrière le discours officiel convenu se cache un certain nombre d’intérêts. L’Union Européenne est le premier partenaire commercial de la Chine, et la nouvelle Route de la Soie pourrait ouvrir une zone de transport terrestre pour les exportations chinoises à destination du marché européen. Cela offrirait une alternative à la route maritime, ce qui permettrait de désengorger les ports chinois. Il faut aussi mentionner la dimension énergétique : les nouvelles routes d’approvisionnement créées représentent des bénéfices pour Pékin. La Chine a importé depuis la péninsule arabique 43% de son pétrole en 2013 et 38% de son gaz naturel en 2012, par les voies maritimes existantes. Mais deux types de menaces pèsent sur ces flux maritimes : la piraterie et la présence de la marine américaine dans l’océan indien et pacifique.
Des travaux titanesques sur dix ans
Aux frontières chinoises avec le Pakistan et l’Afghanistan, les travaux ont déjà débuté. Sur la seule route existante dans cette région, les projets se multiplient et les camions se succèdent. Pékin construit des viaducs, tunnels et barrages sur un territoire jadis aride. Le régime mise sur d’énormes investissements du gouvernement dans les infrastructures, ponts, routes et chemins de fer.
Xi Jinping : exporter le modèle de développement chinois
Ce projet marque un changement extrême dans la politique étrangère de la Chine. En effet, le gouvernement communiste tente pour la première fois de son histoire d’exporter son modèle de développement. Mais le projet ne manque pas de détracteurs, et pour cause. Si jusqu’à présent la Chine a construit sa croissance sur les infrastructures avec succès en raison du contrôle total de son gouvernement sur l’environnement politique du pays, cela ne sera pas le cas à l’étranger où il faudra compter sur l’instabilité et les conflits.