Après la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union Européenne, il est temps pour les sociétés françaises d’adapter leur stratégie à cette nouvelle donne. Et pour cause, pas moins de 5 % des exportations françaises sont absorbées par le Royaume-Uni, ce qui en fait le septième partenaire commercial de l’hexagone. Les entreprises françaises implantées outre-Manche et ayant pris parti pour le « in » essaient aujourd’hui de donner le change en se voulant rassurantes sur les perspectives du pays. Si à court terme ces sociétés pourraient bénéficier d’un léger avantage compétitif, elles pâtiront du ralentissement du marché à long terme en fonction de leur degré d’exposition sur le marché britannique. Pour le moment, c’est la dévaluation de la livre sterling qui inquiète le plus.
Chute de la livre : conséquence du Brexit
Avec le rétablissement des barrières douanières, les entreprises françaises implantées au Royaume-Uni vont d’ici quelques années être dans l’obligation de s’adapter à de nouvelles pratiques commerciales et juridiques. Mais ce qui inquiète le plus les économistes quant aux conséquences du Brexit, c’est l’effet de change à court et moyen terme, avec un risque de décrochage durable de la livre sterling. Pour les sociétés françaises, ce décrochage de la livre rime avec baisse des ventes, les produits exportés vers le Royaume-Uni étant mécaniquement plus chers pour le consommateur britannique. Ainsi, selon le scénario catastrophe, les exportations françaises pourraient reculer de €3,2 milliards entre 2017 et 2019.
« Notre exposition à la livre sterling est très limitée, car nous raisonnons au niveau européen, et non pas pays par pays. En ce qui concerne les conséquences du Brexit sur le marché automobile, il est encore trop tôt pour les évaluer, mais il faut rappeler que le marché européen est très porteur depuis le début de cette année. » Jacques Aschenbroich – PDG de Valeo
L’agroalimentaire français devrait être l’un des secteurs les plus touchés
Une fluidité réduite des biens, des personnes et des capitaux entre le Royaume-Uni et le reste de l’Europe seront une conséquence directe du Brexit. Ainsi, la coordination entre les sièges de sociétés françaises et leurs filiales britanniques sera ralentie, ce qui pourrait forcer ces sociétés à « renforcer leur ancrage local ». L’agroalimentaire français devrait être un des secteurs les plus affectés. Si son solde commercial était jusqu’à aujourd’hui excédentaire de €8 milliards, il pourrait être très affecté par la chute de la livre sterling et les nouveaux droits de douane. Le vin et le fromage seraient les produits les plus touchés. En effet le cabinet d’études Euler Hermes estime que les exports agroalimentaires français reculeront de pas moins de €500 millions, dont 40 % pour le vin, 14 % pour les produits laitiers, et 11,4 % pour la boulangerie-pâtisserie industrielle.
« Il convient toutefois de noter que cet impact est purement mécanique. Les produits agroalimentaires français jouissent d’une grande réputation et sont souvent synonymes de qualité », souligne l’Ania. Mais difficile de tirer des conclusions précises. « Il existe une grande incertitude au regard de la non connaissance des conditions de sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne d’une part et les éventuelles négociations à venir », ajoute la fédération.
Economie française : le Brexit tombe mal
En 2016 l’économie de l’hexagone a enregistré des signes encourageants de reprise, grâce à une consommation solide et de meilleurs investissements. D’après l’Insee, le chômage devrait même reculer cette année pour passer en dessous des 10 % symboliques. Mais toutes ces prévisions ont été chamboulées par l’annonce du Brexit.
Répercussions plus importantes pour le Royaume-Uni
En toute logique, c’est le Royaume-Uni qui va supporter les coûts économiques les plus importants lors de sa sortie de l’Europe. Mais cela n’est pas pour autant que les membres de l’UE restants seront à l’abri. D’après Catherine Mathieu, économiste à l’OFCE, le plus gros risque à court terme est une crise financière. Pour les transactions en euros, Londres est la plus grosse place boursière en Europe avec un accès aux liquidités de la Banque Centrale Européenne. Si la BCE coupe son support, et sans le système de paiement de la zone euro, un « krach » serait inévitable à la City, avec des répercussions toxiques pour le système financier français. Elle compare même cet éventuel krach à la crise causée par la banqueroute de Lehman Brothers en 2008.
La France moins impactée que ses voisins européens
Certes, la France subira les conséquences négatives du Brexit, mais moins que ses pairs européens. D’après le FMI, le Brexit coûtera entre 0,2 % et 0,4 % de croissance à l’économie française d’ici 2019. Comparativement, les Pays-Bas, la Belgique et l’Irlande risquent de perdre 0,5 % de PIB sur la même période. Pourquoi ? Parce que l’économie française est moins exposée au marché britannique que les autres pays de l’Europe : ses exportations vers le Royaume-Uni représentent seulement 2 % de son PIB, contre 7 % pour les Pays-Bas et la Belgique.
L’hexagone : conséquences indirectes du Brexit
Après le Brexit, les investisseurs internationaux vont se montrer très méfiants vis-à-vis de la zone euro, ce qui va entraîner une baisse de l’investissement étranger total et donc d’un effet de richesse négatif pour les ménages. Sur le plan politique, il est certain que le sujet alimentera les débats dans le cadre de élections présidentielles de 2017. Il est également possible que l’on assiste à un mouvement de défiance générale envers l’Union Européenne.
«Il y aura bien sûr des conséquences économiques négatives pour la France. Le secteur des exportations, notamment sur les créneaux de l’agroalimentaire et de la chimie seront impactés. Toutefois, pas de catastrophisme puisque les montants estimés, qui sont toujours sujets à caution, seront a priori aisément encaissables par les entreprises. Il est très peu probable qu’un Brexit fasse dérailler la reprise de la croissance française. Il y aura une panique financière, c’est indéniable, peut-être des difficultés pour les entreprises à lever temporairement de l’argent, mais l’effet sur l’activité économique sera plutôt limité à moyen terme. » Christopher Dembik, Responsable groupe de la recherche macroéconomique à Saxo Bank.