La manipulation des actions boursières par la publication de fausses informations est loin d’être quelque chose de nouveau, elle existait déjà au 19ème siècle. Les marchés financiers ont dû déjouer les arnaques, fraudes et fausses déclarations depuis leur création.
La seule différence de nos jours, c’est qu’à l’heure d’internet, les informations voyagent beaucoup, et plus vite. C’est arrivé à nouveau en 2015, avec une fausse déclaration publiée sur un faux site internet, affirmant une offre publique d’achat de la société Twitter, ce qui a propulsé la valeur de l’action de cette dernière de 8% en quelques minutes.
Dernièrement, lors de la campagne présidentielle américaine, les fausses nouvelles (fake news) ont proliféré au point de changer considérablement l’opinion publique quant aux candidats. Même si les nouvelles ont été démenties par la suite, le mal était fait. En ce moment même, Facebook planche sur un moyen de contrôler les informations publiées sur la plateforme, tandis que Twitter songe à refondre son système afin de repérer les robots publiant des articles douteux.
Première arnaque boursière de l’histoire en 1814
Aux alentours de minuit le 21 février 1814, une personne auto-proclamée le “Colonel du Bourg, aide-de-camp de Lord Cathcart,” s’est présentée à l’hôtel de Douvres. D’après ses dires, il arrivait tout juste de Calais transportant des informations de la plus haute importance : Napoléon Bonaparte aurait été tué par les cosaques, et les armées alliées étaient à présent en marche vers Paris pour garantir la paix.
Plus d’une fois, la mort de Napoléon avait été annoncée, mais le public fut facilement dupé en raison de la présence de Confédérés du Bourg déguisés en soldats français, distribuant des brochures dans les rues de Londres.
Sans surprise, les titres publics britanniques sont montés en flèche à la bourse de Londres. Mais c’est sans compter un trader tatillon qui remarqua que £1,1 million d’actions publiques avaient été vendues en secret. La supercherie fut ainsi découverte, et le faux « Colonel » démasqué. D’après le Times Magazine, l’arnaque boursière de 1814 figure partie les plus grosses supercheries de tous les temps.
25 août 2000 : Emulex victime d’un faux communiqué de presse
La société de réseaux informatiques Emulex fut victime d’un faux communiqué de presse le 25 août 2000. Les actions de la société ont rapidement plongé de 60% après qu’un fraudeur inconnu ait posté un faux communiqué sur un site internet spécialisé dans le câblage, affirmant que le Directeur Général d’Emulex avait démissionné, que la société subissait une investigation de la part de la SECN, et qu’elle était sur le point de réviser à la baisse le quatrième trimestre de l’année en cours.
Le plus dramatique est survenu lorsque le site Bloomberg lui-même a relayé la fausse information par mégarde, encourageant des centaines d’investisseurs à vendre l’action avant que les opérations soient stoppées par le Nasdaq à 10h33. Peu après, une porte-parole d’Internet Wire fit des excuses publiques, affirmant que l’information provenait d’une agence de presse indépendante.
De son côté, Emulex était catégorique : l’information ne venait pas d’eux. Le prix de l’action Emulex a chuté de $103.94 à $43.00, 16 minutes après l’annonce, ce qui fit perdre à la société $2,2 milliards de capitalisation boursière.
Juin 2015 : Avon victime d’une OPA bidon
A Wall Street, il est rare qu’un jour se passe sans qu’une opération financière de grande envergure soit annoncée. Lorsque la SEC, Autorité de Contrôle des Marchés Financiers américains, a annoncé une offre de rachat sur la marque de cosmétiques Avon Products, l’ensemble des investisseurs s’est précipité pour acheter le titre, ce qui a fait flamber l’action de 20 % en quelques minutes après l’annonce.
En 25 minutes, 91 milliards d’actions Avon ont été échangées sur les marchés. La société ayant propagé la nouvelle, baptisée PTG Capital Partners proposait aux actionnaires d’Avon un prix de $18,75 par action, soit trois fois son cours en bourse ce qui valorisait la société à $8,2 milliards, soit le plus gros rachat avec effet de levier de l’année 2015.
Malheureusement, cette offre était trop belle pour être vraie, et la société PTG Capital Partners… n’existait pas ! Les fraudeurs avaient en fait déformé le nom d’un des plus gros fonds d’investissements américains, nommé TGP Capital. Ils sont même allés jusqu’à reprendre un vrai communiqué de presse de TGP remontant à 2010, lorsque le fond avait acquis la branche japonaise d’Avon.
Vous vous demandez certainement à qui profite le crime ? Avon a rapidement démenti tout rachat, mais reste à savoir comment les fraudeurs sont parvenus à publier un tel communiqué via le système officiel de la SEC.
Juillet 2015 : Twitter victime d’une attaque boursière sans précédent
Le mardi 14 juillet 2015, une source apparemment fiable est diffusée par un site internet copie conforme de celui de Bloomberg, bloomberg.markets : le visuel est identique et les outils y sont similaires. Une dépêche y annonce la rumeur selon laquelle Twitter étudiait une offre publique d’achat d’un montant de $31 milliards.
Ni une ni deux, l’action a gagné 7,7% pour atteindre $38,54 après cette annonce totalement fausse. L’information fut très rapidement reprise par des sites spécialisés, ce qui a bien évidemment poussé de nombreux investisseurs à acheter des actions Twitter en masse. Ainsi, l’action Twitter est passée en tête des titres les plus négociés sur le New York Stock Exchange.
Un porte-parole de Bloomberg a rapidement indiqué que l’article était un faux, publié sur un site bidon et non affilié, créé quatre ou cinq jours auparavant au Panama.
Vinci : dernière victime de fraude en novembre 2016
En novembre dernier, un faux communiqué de presse annonçant le licenciement du Directeur Financier de Vinci, du à d’importantes irrégularités comptables chiffrées à €3,5 milliards et qui nécessiteraient la révision des résultats financiers du groupe à la baisse pour 2015 et 2016.
Résultat : l’action du groupe de BTP et de concessions s’effondre. Ce document mis en ligne sur un site internet « miroir » c’est-à-dire sur l’exacte réplique du site de Vinci mais avec une adresse distincte (vinci.group et non vinci.com), fut relayée par de nombreuses agences de presse, dont Bloomberg. Un faux démenti fera remonter rapidement le cours de l’action.
En vérité, jamais Vinci n’aurait été autorisé à publier telles informations aux heures de cotation, les règles boursières l’interdisent.