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Energies renouvelables : première route solaire en Normandie

En décembre dernier, la Ministre de l’Environnement, Ségolène Royal a inauguré la « route solaire » à Tourouvre-au-Perche, un petit village normand de 3400 habitants. Avec une chaussée recouverte de dalles photovoltaïques, ce tronçon d’une longueur de 1 km est le parfait exemple de la transition énergétique qui a lieu sur le territoire français.

La Ministre a d’ailleurs annoncé sa volonté de déployer cette technologie sur 1000 km de routes. Si le projet est sans précédent par sa taille et sa prouesse technologique, il suscite néanmoins les critiques en raison de son prix très élevé, €5 millions financés par l’état, ainsi que de sa rentabilité incertaine.

Développés par les sociétés Wattway et CEAT Tech, les 2800 m2 de dalles devraient permettre de produire l’électricité nécessaire à l’éclairage public d’une ville de 5000 habitants.

Certes, Tourouvre-au-Perche n’est pas la ville la plus ensoleillée de France, mais elle a l’avantage d’être située à proximité de l’usine de fabrication des dalles, ce qui permet aux ingénieurs de surveiller l’évolution du projet.

N’oublions pas qu’il s’agit toujours d’un prototype, qui sera observé pendant deux ans afin de s’assurer que revêtements protègent les cellules photovoltaïques de manière adéquate face au poids des voitures, tout en assurant une adhérence suffisante.

Route solaire : comment ça marche ?

La route est une variante des dispositifs photovoltaïques classiques. Elle est composée de feuilles de silicium permettant de capter l’énergie solaire, elles-mêmes entourées d’un substrat composite qui rend la dalle assez résistance pour être posée à même une route.

Ces dalles peuvent produire 767 kWh pour chaque kilomètre de route, l’ensemble permettant de produire l’électricité nécessaire à l’éclairage public d’une ville de 5000 habitants.

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Un projet à €5 millions financé par l’état

En mars 2015 et après avoir annoncé son ambition d’installer 1000 km de panneaux solaires sur les routes françaises d’ici 5 ans, Ségolène Royal avait annoncé le lancement d’une première route grâce à un financement de l’état à hauteur de €5 millions.

Le programme se déroule en trois phases. Lors de la première phase débutée en juin 2015, les dalles ont été testées sur de petites surfaces routières au sein de quatre sites, afin de vérifier le produit, qui est à présent testé sur des surfaces publiques plus importantes lors de la deuxième phase.

Si les deux premières phases s’avèrent être des succès, les 1000 km de routes annoncés par Ségolène Royal seront déployés.

« La route solaire s’inscrit dans la transition énergétique : promesse de croissance verte, création d’emplois, innovation ». Ségolène Royal, Ministre français de l’environnement.

Un projet et de nombreuses interrogations

Le Syndicat des Energies Renouvelables (ENR) est bien conscient de la prise de risque du projet, et s’interroge sur les désavantages des dalles solaires : quel est leur potentiel de réduction des coûts ? Quelle est leur durée de vie ?

Quelle quantité d’énergie sera produite ? Pour le moment, cette production est très coûteuse, à €17 par watt crête. En réponse à ces inquiétudes, la société à la base du projet Wattway assure pouvoir proposer dès 2020 les mêmes coûts que pour une énergie solaire classique utilisant des panneaux inclinés, à savoir €1,30 par watt crête.

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« Il s’agit sans doute d’une prouesse technique, mais, pour développer les renouvelables, il y a d’autres priorités qu’un gadget dont on est certain qu’il est très cher sans être sûr qu’il marche ». Marc Jedliczka, Vice-Président du Réseau pour la transition énergétique (CLER) et Directeur Général de l’Association Hespul, spécialisée dans le photovoltaïque.

Autre problème : celui du rendement

Le panneau horizontal produit moins d’énergie qu’un panneau incliné, cela pose ainsi un problème de rendement. Selon la société Colas, la technologie utilisée par Wattway possède un rendement photovoltaïque de 15%, contre 20% sur les panneaux solaires sur toit.

Si on ajoute à cela le fait que les panneaux soient inclinés et une forte circulation et la présence d’obstacles qui bloquent la lumière, le rendement électrique diminue encore.

Quoi qu’il en soit, cette technologie reste à l’état de prototype, et a devant elle de nombreuses années de tests avant de se populariser sur les 950.000 km de routes de France.

Route solaire : encore beaucoup de chemin à parcourir

A en croire le Président du Conseil français de l’Energie, Olivier Appert, l’addition ne va pas d’arrêter à €5 millions : derrière le coût théorique, la durée d’utilisation doit selon-lui être prise en compte.

En effet, même dans le scénario où les routes solaires ont une durée de vie égale à celles des panneaux classiques, les coûts par mégawattheure seraient plus de trois fois élevés, à €300 versus €70.

La raison est très simple, les routes doivent être remplacées régulièrement en raison de l’usure.

Wattway compte sur le marché africain

A terme, la société Wattway espère se rapprocher des coûts de production du solaire classique, pour pouvoir passer à la commercialisation de leur procédé.

Pour le moment, la société planche sur une multitude de petits projets expérimentaux de routes photovoltaïques, la moitié en France et l’autre moitié à l’étranger. L’ambition du constructeur est de viser le marché africain, susceptible d’être très porteur à moyen et long terme.

Sur un continent où 600 millions de personnes ne disposent pas d’électricité, et avec un fort taux d’ensoleillement, il s’agit du marché idéal.

France : en retard en matière d’énergies renouvelables

L’année 2016 est globalement positive pour la France, qui a produit sur la période 46 gigawatts d’électricité électrique issue des énergies renouvelables, soit une croissance de 5% versus 2015.

La feuille de route énergétique française est valable jusqu’à 2023, et les énergies renouvelables ont bénéficié de simplifications administratives.

Mais ce rythme d’installation reste malheureusement insuffisant pour atteindre les objectifs nationaux de 71 et 78 GW de capacités installées, et selon les spécialistes, le pays peinerait à atteindre le bas de cette fourchette.

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