Après avoir affiché des résultats record en 2015, Emirates souffre d’une baisse drastique de ses revenus pour l’année fiscale de 2016. En septembre dernier, la société a annoncé un profit de $214 millions pour le premier semestre, soit 75% de moins qu’à la même période en 2015.
Est-ce la fin de la période de croissance fulgurante de la principale compagnie du Golfe basée à Dubaï, ou seulement un revers temporaire ? La société a récemment étendu sa flotte et ouvert quatre nouvelles lignes, en plus d’investissements massifs pour améliorer son offre client. Avec 155 destinations dans 82 pays, Emirates règne en maître sur l’industrie du transport aérien depuis plusieurs années.
Mais dans un secteur où il reste désormais peu de place pour la croissance, les spécialistes annoncent un futur morose. Du côté de la direction du groupe, on blâme un dollar fort et assure que tout est mis en œuvre pour retrouver un niveau de revenus comparable à celui de l’année dernière. En interne, on parle de surcapacité, de concurrence acharnée, d’achats d’avions déraisonnables et autres « ventes à pertes » dans le but de conquérir de nouvelles parts de marché.
Emirates : une société contrôlée par la monarchie
En l’espace de 30 ans, Emirates est passée d’une petite société à deux avions basée en plein milieu du désert à l’une des plus grandes compagnies aéronautiques au monde. Sa croissance fulgurante est parallèle à celle de la ville de Dubaï, le Président Directeur Général d’Emirates étant le Sheikh Ahmed bin Saeed Al Maktoum, l’oncle du roi. Il dirige également l’administration aéroportuaire, l’administration de l’aviation civile, ainsi que la plus grosse banque de la ville.
Extension de la flotte et construction d’un aéroport géant : Dubaï World Central
A une demi-heure de route des centres commerciaux et gratte-ciels, le gouvernement développe actuellement un aéroport géant comprenant cinq pistes d’atterrissage, pour une capacité annuelle de 220 millions de passagers, soit quatre fois la capacité de l’aéroport JFK à New-York. Le coût d’un tel projet ? $32 milliards. Son nom ? Dubaï World Central.
En 2016, Emirates avait déjà étendu sa flotte, avec l’acquisition de pas moins de 36 nouveaux aéronefs, dont 20 Airbus A380 et 16 Boeing 777, pour terminer l’année avec 255 avions en service.
En maintenant sa flotte jeune, la compagnie réduit son empreinte carbone, mais offre surtout à ses clients des services à la pointe de la modernité, ce qui lui vaut sa place au sommet de l’industrie aéronautique.
« En intégrant un avion par semaine dans sa flotte, Emirates doit en permanence gérer de nouvelles destinations ou de nouvelles fréquence.
Ils vont devoir se poser pour réfléchir à de nouvelles stratégies, économiquement plus porteuses d’autant plus que l’aéroport de Dubaï ne peut plus servir à lui seul de vitrine, Doha ou Abu Dhabi ont rattrapé leur retard pour le plus grand bonheur des voyageurs ». John Oarley, consultant dans l’industrie du yield.
Baisse de 75% des bénéfices au 1er semestre 2016
Le 9 novembre dernier, la compagnie aérienne a publié ses résultats semestriels pour 2016, pour afficher un bénéfice net de $214 millions, ce qui représente une baisse de 75% versus la même période en 2015.
Entre le 1er avril et le 30 septembre 2016, le chiffre d’affaires d’Emirates s’établit à $11,4 milliards, soit une baisse de 1%. Les dirigeants mettent ces mauvais résultats sur le compte d’un dollar fort, d’une baisse de la demande en raison du contexte économique morose, ainsi qu’à l’inquiétude qui règne sur des marchés clés. D’après le Président d’Emirates Group lui-même, ces performances vont devenir la norme dans le secteur.
En réalité, ce qui inquiète les spécialistes, c’est la forte baisse de la trésorerie du groupe : celle-ci qui est passée de $6,4 milliards en mars 2016, à $4,1 milliards en septembre 2016. Des sources internes affirment qu’elle pourrait descendre sous la barre des $4 milliards incessamment sous peu.
Le nombre de ventes augmente, mais l’occupation des avions chute
Au premier semestre de 2016, Emirates a transporté 28 millions de passagers, ce qui représente une hausse annuelle de 9%. Ce serait une très bonne nouvelle si le coefficient d’occupation des sièges n’était pas en chute libre, à 75,3%.
D’un autre côté, les coûts opérationnels ont augmenté de 5%, et la capacité de 9%. Principale source de dépenses chez Emirates avec 24% des coûts opérationnels, la facture totale de carburant a diminué de 10%. En 2016, 16 gros porteurs ont rejoint la flotte, et 20 autres sont attendus en 2017.
En ce qui concerne le réseau, quatre nouvelles destinations ont été ouvertes dont Yinchuan et Zhengzhou en Chine, Yangon au Myanmar et Hanoi au Vietnam. Pour finir, les effectifs ont continué de croître sur la période, avec 103.000 employés en novembre 2016, soit 9 % de plus qu’au 31 mars.
«Notre performance au cours de la première moitié de l’exercice financier 2016-17 continue d’être affectée par le taux élevé du dollar américain par rapport aux principales devises. La concurrence accrue, ainsi que l’incertitude économique et politique soutenue dans beaucoup de pays du monde ont accéléré la baisse des prix et la réduction des intentions de voyage ». Altesse Cheikh Ahmed bin Saeed Al Maktoum, PDG d’Emirates.
Climat géopolitique instable dans la région
Le climat géopolitique qui règne actuellement au Moyen-Orient pèse sur Emirates. Dubaï est certes un paradis fiscal, mais entouré par des pays peu stables politiquement tels que le Yémen, l’Iraq, la Syrie et la Lybie. La baisse des cours du pétrole n’a pas arrangé les choses, pour endommager les économies déjà fragiles de ses voisins.
Compétition féroce avec Qatar Airways et Etihad
La compagnie aérienne fait face à une concurrence acharnée, avec en première ligne Qatar et Etihad qui développent leurs flottes et lignes domestiques à grands pas, avec la construction de terminaux impressionnants.
La faible croissance économique dans la plupart des pays a maintenu les prix sous pression, et la demande en transports relativement faible. Si Emirates est aujourd’hui en difficulté, ses rivaux en profitent largement.
Etihad a annoncé une hausse de 41% de ses profits, qui atteignent $103 millions de dollars en 2015, ainsi qu’une augmentation de ses revenus de 19%, pour atteindre $9 milliards. De son côté, Qatar affiche un bond de ses profits de 334% et une augmentation de ses revenus de 4%.