C’est le grand paradoxe de cette élection. Sous le coup d’une condamnation pour fraude fiscale, Silvio Berlusconi n’est pas éligible jusqu’en 2019. Pourtant, le leader de Forza Italia n’en reste pas moins l’homme fort de l’élection législative qui se jouera le 4 mars.
Incertitude sur les résultats
Comme l’exigent les règles du scrutin en Italie, les sondages d’opinion ne peuvent plus être rendus publics durant la dernière semaine de campagne. A l’approche de la journée du 4 mars, date à laquelle se joueront les élections générales italiennes, les résultats sont plus incertains que jamais. Une imprévisibilité due notamment au mode de scrutin, particulièrement complexe. La tentative de réforme voulue par l’ex-Premier Ministre Matteo Renzi n’a pas eu lieu : l’élection repose donc toujours sur un mélange complexe entre proportionnelle et majoritaire. Celui-ci présente la particularité de permettre à un parti d’emporter la majorité des sièges avec 40% des voix.
Les derniers sondages à être publiés avant la dernière ligne droite entretiennent eux aussi l’incertitude. On trouve en tête la coalition de la droite et de l’extrême-droite, avec 37% des voix. Au sein de cette alliance, Forza Italia pourrait récolter 17% des suffrages, tandis que la Ligue de Matteo Salvini (extrême droite) et Fratelli d’Italia (extrême droite) sont crédités respectivement de 13,2% et 4,7% des voix.
Le Mouvement 5 Etoiles (populiste) est le parti qui recueille, à lui seul, le plus grand nombre d’intentions de vote avec 27,8% des voix.
La coalition de gauche se place juste derrière, avec 27,4% des voix, dont 23% pour le Parti Démocrate, actuellement au pouvoir.
Silvio Berlusconi en faiseur de rois
Dans ces conditions, la presse italienne se montre pessimiste sur l’issue du scrutin. Le quotidien de gauche La Repubblica titrait au moment de la publication des derniers sondages autorisés : “Aucune majorité possible”. Même son de cloche pour le Corriere della Sera avec le titre “Pas de majorité”.
En réalité, le jeu des alliances pourrait réserver des surprises. Certains analystes anticipent ainsi un accord de coalition entre le parti Forza Italia de Silvio Berlusconi et le Parti Démocrate de Paolo Gentilloni, le chef du gouvernement sortant. Cette alliance viserait à faire barrage au Mouvement 5 étoiles, le parti populiste qui prend de l’ampleur dans le pays. Même s’il est inéligible depuis sa condamnation pour fraude fiscale, Silvio Berlusconi est au centre de ces manoeuvres. “Il Cavaliere” a même été reçu à Bruxelles fin janvier par Jean-Claude Juncker et Angela Merkel pour discuter de l’avenir de l’Italie.
Mais d’autres scénarios sont possibles : alliance de la droite et de l’extrême droite, voire entre les populistes du Mouvement 5 étoiles avec le parti souverainiste de la Ligue du Nord.
Se préparer au “pire scénario”
Ces différents éléments, auxquels s’ajoute le fort taux d’abstention anticipé, pointent tous vers une issue particulièrement incertaine. Avec un risque réel : celui qu’aucun parti n’obtienne la majorité, ni même une coalition inter-partis. Dans ce cas de figure, l’Italie irait tout droit vers un blocage. Evoquant ce cas de figure, Jean-Claude Juncker a déclaré jeudi dernier que l’Europe devait se préparer au “pire scénario”. C’est-à-dire celui où la troisième économie de la zone euro serait plongée dans une paralysie législative, et donc ingouvernable.
Les marchés actions restent optimistes
Économiquement, l’Italie est aujourd’hui sur une pente ascendante. L’an dernier, le pays a connu une hausse de 1,4% de son PIB : la plus forte depuis sept ans. Les Italiens commencent à voir le bout du tunnel, après avoir connu au début des années 2010 une période de récession sévère.
Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir : si l’Italie a repris le chemin de la croissance, elle demeure à la traîne par rapport au reste de l’Union Européenne, qui avance plus vite qu’elle. Selon les observateurs, l’instabilité politique que connaît Rome depuis plusieurs années pourrait expliquer, en partie, la difficulté du pays à être compétitif face à ses rivaux internationaux, comme le poids lourd allemand. A l’heure où le pays est confronté à des problèmes profonds, comme un taux de chômage de 10,8% (et de plus de 32% chez les 15-24 ans), il est difficile de savoir quel programme sera mis en oeuvre à l’issue du scrutin du 4 mars. Simplification de la bureaucratie ? Baisses d’impôts ? Assouplissement des conditions d’embauche ?
C’est un fait connu : les investisseurs détestent l’incertitude. Pourtant, les marchés actions se montrent relativement calmes à l’approche de la date du 4 mars. Ils affichent même une certaine sérénité. Ainsi, l’indice Sentix, qui mesure le risque de dislocation de la zone euro (Euro Break-up index) s’établit en février à son plus bas historique de 6,6%. L’euro, lui, reste à une position de $1,23, tandis que l’écart de taux entre les emprunts d’Etat à dix ans allemand et italien demeure stable. Plus étonnant encore : la Bourse italienne affiche une santé éclatante, avec une hausse de 4% depuis le début de l’année. C’est bien mieux que l’indice européen Euro Stoxx 50, qui n’a gagné que 1,26% dans le même temps.
Pour l’analyste Lombard Odier, l’incertitude générée par l’élection ne devrait pas freiner la reprise. “Le risque d’une mauvaise surprise susceptible d’avoir de graves répercussions sur la zone euro a fortement diminué”, écrit-il dans une note, ajoutant qu’“aucun parti n’appelle à sortir de l’euro”. Le calme qui règne actuellement sur les marchés ne doit toutefois pas faire oublier le risque réel d’un regain de volatilité au lendemain de cette élection.