Vendredi 4 novembre fut « un jour historique pour la planète », se félicite l’Élysée. L’accord de Paris sur le climat de la COP21 est entré en vigueur un peu moins d’un an après sa signature par 195 pays. Il s’agit du premier accord mondial qui a pour but d’éviter l’emballement des dérèglements climatiques, trois jours avant la COP22 de Marrakech où sera discutée l’application des mesures. 55 des états signataires représentent à eux seuls 55 % des émissions à effet de serre. Ainsi, les engagements âprement négociés le 12 décembre dernier au Bourget ont bien été honorés, et ce de manière irréversible. S’il a fallu vingt ans pour parvenir à un tel accord sur le climat, moins d’un an aura été nécessaire pour le faire entrer en vigueur. Il y a donc de quoi se réjouir. Mais à quoi se sont engagés les quelque 195 pays qui ont signé, et que va changer l’accord de Paris sur le climat ?
L’objectif global : une hausse de 1,5°C
Pour parler concrètement, les pays ayant signé l’accord de Paris sur le climat se sont engagés à déployer leurs efforts conjoints pour limiter le réchauffement de la planète «bien en-deçà de 2°C» versus l’ère pré-industrielle, ainsi qu’à «poursuivre leurs efforts pour limiter la hausse globale des températures à 1,5°C». Il fut difficile pour de nombreux pays très exposés au changement climatique d’obtenir l’aval de tout le monde. De nombreux spécialistes ont d’ores et déjà émis des doutes quant à cette limite, trop ambitieuse alors que le niveau actuel des émissions de gaz à effet de serre n’est pas encore stabilisé. D’après les experts du GIEC, pour rester en dessous des 2°C il faudrait réduire les émissions de 40 à 70 % d’ici 2050.
« Le seuil des ratifications – 55 Etats représentant 55% des émissions de gaz à effet de serre – a été atteint en moins d’un an. C’est la preuve que la communauté internationale a pris toute la mesure de l’urgence climatique et c’est le résultat de la mobilisation de la France dans le cadre de la présidence de la COP21 assurée par Ségolène Royal. ». Communiqué de presse de l’Elysée.
Aucune sanction ne sera infligée
L’Elysée s’est félicité des engagements irréversibles prix en décembre dernier au Bourget. Irréversibles, oui c’est certain, mais contraignants ? Absolument pas. Ce sont les législations nationales qui vont définir la déclinaison de l’accord pour chaque pays. En bref, rien n’oblige un pays à mettre en œuvre des politiques de transition énergétique cohérentes avec la cible de 1,5°C. Mais certains pays ont déjà adopté des lois qui vont dans ce sens, bien avant l’entrée en vigueur de l’accord. C’est le cas de la France. Les pays n’ont ainsi aucune obligation mais un contrôle continu sera mis en œuvre grâce à une réunion de suivi tous les cinq ans. Chaque pays devra ainsi montrer sa bonne volonté devant toute la communauté internationale.
« Cette entrée en vigueur rapide est un signal politique clair sur le fait que tous les pays du monde sont engagés dans une action globale décisive contre le changement climatique ». Patricia Espinosa, responsable climat à l’ONU, et Salaheddine Mezouar, Ministre marocain des Affaires étrangères.
Quels engagements pris par chaque pays ?
Contrairement au traité de Kyoto, l’accord ne comprend aucun objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre adapté à chaque pays. Les pays eux-mêmes fixent leurs objectifs, pour 2025 et 2030. Ce qui s’est négocié à Paris, c’est un « plafonnement des émissions dans les meilleurs délais ». Ainsi en toute logique les pays en voie de développement atteindront leurs objectifs bien après les pays développés, pour subir ensuite des réductions rapides. Les pays développés vont ainsi jouer un rôle clé dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et aider financièrement les pays en voie de développement. Sans cet accord et ces engagements, le réchauffement pourrait atteindre +4° ou +5°C. Un bilan global aura lieu en 2018, et une première révision obligatoire en 2025.
L’objectif semble déjà compromis
La plupart des spécialistes sont d’accord : certes, l’accord peut retarder ou même éviter les plus sombres scénarios, mais cela ne suffira pas en soi à régler le problème du réchauffement climatique, et ce même à renfort de milliards de dollars. Les signaux d’alerte clignotent déjà pour 2017, qui s’annonce être l’année la plus chaude depuis des décennies. En dépit des engagements pris à Paris, le monde se dirige inéluctablement vers une hausse des températures de 2,9°C à 3,4°C d’ici la fin du 21ème siècle. C’est du moins ce qu’a annoncé le Programme des Nations-Unies pour l’environnement (PNUE) dans son dernier rapport sur l’environnement.
Certains états ont gonflé leurs statistiques d’émission
Certains pays vont probablement dépasser leurs objectifs de réductions, en raison du manque de sérieux des mesures en application. On pense notamment à la Russie, qui s’est engagée à une réduction de 25% à 30% de ses émissions, versus celles enregistrées en 1990. Mais le pays a déjà atteint cet objectif entre 1990 et 2000 après la chute de l’empire soviétique et la désindustrialisation associée. En fait, l’objectif officiel de la Russie lors de l’accord de Paris lui permettra même d’augmenter ses émissions d’ici 2030. Il semble que les ambitions affichées doivent être revues à la hausse.
Donald Trump peut-il annuler l’accord de Paris ?
Trump est climato-sceptique n’a jamais caché sa faible conscience écologique. Il a affirmé sur Twitter en 2012 : « Le concept de réchauffement climatique a été créé par et pour les Chinois pour rendre l’industrie américaine non-compétitive ». Il a clairement affiché ses intentions d’annuler l’accord de Paris sur le climat s’il devenait président. C’est un enjeu de taille, les Etats-Unis faisant partie des trois plus gros pollueurs du monde, aux côtés de l’Inde et la Chine, avec 18% des émissions mondiales de CO2. D’après Trump, l’accord signé lors de la COP21 va tuer l’emploi ainsi que le commerce. Le texte ne prévoit pas de sanctions, et sans lueur d’espoir, il ne serait capable de le dénoncer que trois ans après la date d’entrée en vigueur, soit en novembre 2019. Malheureusement, Trump peut également choisir de ne pas appliquer le texte, et ce sans passer par le congrès.