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Carlos Ghosn : les accusations et la défense

Depuis plus de deux mois, la chute vertigineuse de Carlos Ghosn est scrutée par le monde entier. Le patron de Renault-Nissan-Mitsubishi, surnommé le “patron des patrons”, est en détention à Tokyo où il est sous le coup de trois enquêtes pour malversations financières, abus de confiance aggravé et utilisation frauduleuse de fonds.

Lâché par l’état français, Ghosn a été renié par Nissan et forcé de démissionner de son poste de PDG de Renault. Les charges continuent de s’accumuler contre lui et pour le moment, aucune de ses demandes de remise en liberté n’ont abouti. Que lui reproche-t-on exactement et quelle est sa stratégie de défense ?

Les 3 accusations contre Carlos Ghosn

1. Dissimulation de revenus aux marchés financiers

La première garde à vue de Carlos Ghosn, qui a duré 22 jours, s’est terminée le 10 décembre avec une inculpation pour malversations financières : il aurait dissimulé aux marchés financiers japonais €38 millions de revenus entre 2010 et 2015, soit la moitié des sommes perçues sur cette période.

Au Japon, la loi oblige les dirigeants de sociétés cotées en bourse percevant plus de 100 millions de yens (€770 000) par an de rendre publique leur rémunération chaque année. Ces entreprises émettent un document, le « yukashoken hokokusho », où figure l’ensemble de leurs informations financières et le montant des salaires de leurs dirigeants.

S’en est suivie une autre garde à vue pour des faits similaires, cette fois pour une somme de €31 millions entre 2015 et 2018. Attention, Carlos Ghosn n’est en aucun cas inculpé de fraude fiscale, mais accusé d’avoir transmis des informations inexactes aux marché financiers. Il n’en est pas moins responsable pénalement d’avoir fourni ces fausses informations.

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Sa défense : Il ne savait pas qu’il violait la loi

Selon la défense de Ghosn, le but de l’opération aurait été d’éviter les critiques et la débâcle publique, le Japon abritant des dirigeants d’entreprises aux salaires plus modestes que dans les autres pays. Devant le juge, Carlos Ghosn a affirmé “ne jamais avoir signé de contrat avec Nissan afin de recevoir un montant fixe non divulgué”.

Il a ajouté qu’il y avait bien eu “des projets visant à déterminer les revenus qu’il percevrait lors de sa retraite, mais qu’à sa connaissance ces projets ont été examinés par des avocats internes et externes au groupe”. Le magnat de l’automobile a ajouté qu’il “n’avait aucune intention de violer la loi”.

2. Abus de confiance aggravée

Le 11 janvier, Carlos Ghosn est de nouveau mis en examen, cette fois pour abus de confiance aggravé. Que lui reproche la justice japonaise cette fois ? D’avoir transféré à son employeur Nissan “des pertes sur des investissements personnels” lors de la crise financière de 2008.

A cette époque, le dollar chutait fortement face au yen et Ghosn se retrouvait dans une situation délicate : ayant contracté des contrats de « swap » de devises – permettant de se protéger ou de spéculer sur la fluctuation des monnaies, il risquait de perdre €13,9 millions.

C’est là que Khaled al-Juffali entre en jeu. L’homme d’affaires saoudien aurait été sollicité par Ghosn pour débloquer des fonds et se porter garant en faveur du dirigeant. Puis entre 2009 et 2012, €12,8 millions ont été transférés en trois fois vers le compte bancaire de Nissan Gulf, compte en partie possédé par M. Al-Juffali.

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Sa défense : Khaled al-Juffali n’a aucun rapport avec cette affaire

Ghosn a déclaré avoir signé en 2006 et 2007 deux contrats visant à assurer la stabilité de son salaire face à la volatilité des devises. Lorsque la crise a éclaté en 2008, la banque lui aurait demandé de “fournir une garantie”, chose qui lui était alors impossible à faire, à moins de démissionner de son poste et recevoir sa retraite.

Ghosn aurait alors décidé de demander à Nissan de se porter garant, le temps de trouver une autre solution. “Les contrats ont ensuite été de nouveau transférés à mon nom sans que Nissan n’ait à supporter aucune perte”. Il ajoute que M. Juffali ne serait qu’un “partenaire de long terme de Nissan”, qui « n’aurait aucun rapport avec l’affaire ».

Selon sa défense, les $14,7 millions versés à Nissan Gulf représenteraient une simple rémunération d’activités réalisées pour Nissan. Juffali aurait aidé le groupe à “réorganiser le réseau de distribution dans la région du Golfe”. La défense a présenté un communiqué de M. Al-Juffali décrivant ses services pour le constructeur automobile.

Selon ce communiqué, Nissan aurait rencontré des difficultés en Arabie Saoudite entre 2008 et 2012 et M. Al-Juffali aurait effectué plusieurs missions pour le constructeur : négocier avec la famille royale saoudienne, convaincre des fonds d’Abou Dhabi d’investir dans l’entreprise, et enfin résoudre un conflit entre la société et un de ses concessionnaires de l’époque.

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3. Abus de biens sociaux

Nissan a fini par lâcher son PDG, l’accusant non seulement d’avoir acheté des résidences de luxe avec les fonds d’une filiale basée au Pays-Bas, mais également d’avoir donné un emploi fictif à sa sœur entre 2003 et 2016. Le constructeur a porté plainte contre Ghosn pour “utilisation abusive d’un montant important de fonds de l’entreprise”, appelant à des “sanctions sévères”.

A en croire le Code du Commerce, l’abus de biens sociaux est observé lorsque le dirigeant d’une société fait un usage personnel, en favorisant une autre société des biens ou fonds appartenant à la société en question (articles L. 241-3 et L. 242-6).

Selon le journal économique japonais Nikkei, Carlos Ghosn aurait acheté des résidences à Rio de Jaineiro et Beyrouth pour un montant de $18 millions, le tout au frais de Nissan.

Sa défense : la défense n’a pas répondu à ces accusations pour le moment.

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