Le projet de privatisation d’ADP (Aéroports de Paris) continue de faire des vagues. Dernier épisode en date : la pétition en ligne qui circule pour mettre fin au projet vient d’atteindre les 600 000 signatures.
Selon la loi française, il faudrait au moins recueillir 4 717 396 signatures d’ici à mars 2020 pour valider le référendum d’initiative partagée, un des nombreux projets proposés par le mouvement des Gilets jaunes.
Pour rappel, la privatisation d’ADP a été proposée par le gouvernement dans le cadre de la loi PACTE, qui prévoit également la privatisation de la Française des Jeux et d’Engie. L’objectif pour les opposants: éviter le bis repetita de la privatisation des autoroutes en France, qui avait provoqué une hausse du prix de péages.
Argument de taille : ADP est rentable
Le premier point indiscutable selon les organisateurs de la pétition est que le groupe Aéroports de Paris est une entreprise rentable. La France, l’un des pays qui accueille le plus de touristes au monde par an, a d’ailleurs ouvert de nouveaux aéroports, tant la demande est forte – dont un terminal à Nice spécialement réservé aux touristes en provenance de Chine. Selon eux, la vente d’ADP n’est pas un besoin in fine.
Dans son introduction, les fondateurs de la pétition – disponible sur Change.org – ne mâchent pas leurs mots. « La privatisation d’Aéroports de Paris est un scandale ! », peut-on lire, avant d’y découvrir quelques chiffres.
Voilà pourquoi il faut que nous soyons plus de 4.7 millions à signer 👇.
Signer et faites tourner le lien: https://t.co/9JTFQx21NJ#ADP #aeroportdeparis pic.twitter.com/NNJGTNukNh— Thomas Porcher (@PorcherThomas) June 14, 2019
En 2017, le chiffre d’affaires du groupe a augmenté de 22% et ADP a versé entre 100 à €200 millions de dividendes au gouvernement. La pétition rappelle également que la privatisation d’ADP n’est pas « constitutionnellement privatisable ».
En effet, le neuvième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 stipule que « tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
A lire sur Alvexo: « Le référendum sur la privatisation d’ADP validé »
L’échec de Toulouse
Par ailleurs, l’opposition s’appuie sur un exemple concret pour montrer l’échec probable en cas de privatisation d’ADP, tout en rappelant que 86% des aéroports dans le monde sont publics.
En 2014, Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, a donné son feu vert pour vendre l’aéroport de Toulouse à un groupe chinois.
Privatisation d’Aéroports de Paris : l’entêtement du gouvernement et de l’Élysée étonne. On retrouve cette obstination dans la vente partielle de l’aéroport Toulouse-Blagnac, portée dès 2014 par un certain M. Macron, ministre de l’économie. https://t.co/di4FWjN077
— Le Monde diplomatique (@mdiplo) June 11, 2019
Comme le rappelle le Monde Diplomatique, le 16 avril dernier, « la cour administrative d’appel de Paris offrait une voie de sortie en annulant la procédure de privatisation, jugée irrégulière ».
L’acheteur chinois Casil a fait perdre à l’état près de quatre ans… et plus de €200 millions.
107 millions de passagers et 300 hectares
Si ce n’est pas la première fois que cette privatisation est abordée dans le débat public, le projet de la privatisation des Aéroports de Paris par le gouvernement Macron n’est, en rien, un hasard du calendrier.
En effet, les Jeux Olympiques de 2024 et le projet du Grand Paris attireront près de 40 millions de passagers supplémentaires. Une manne financière qui donnerait lieu à de nouvelles infrastructures, dont le projet de construction d’un quatrième terminal à Roissy et le CDG Express, un train qui relierait directement l’aéroport Charles-de-Gaulle à la gare de l’Est.
Une trentaine de gilets jaunes mobilisée à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle contre la privatisation d'ADP pic.twitter.com/0iMfE0XyZO
— BFMTV (@BFMTV) May 4, 2019
De plus, ADP possède aussi un territoire gigantesque qui pourrait bien monter en valeur.
Comme le rappelle Marc Endeweld dans le Monde Diplomatique, « le groupe possède aussi une réserve foncière de plus de 300 hectares, qui peut lui permettre à terme de doubler les 1,5 million de mètres carrés de bureaux qu’il exploite déjà ». Un atout crucial alors que le Grand Paris fait déjà monter en flèche l’immobilier en petite et grande couronne.
Autant d’atouts dont de potentiels investisseurs privés pourraient bien profiter… Si la pétition n’atteint pas les 4 717 396 signatures d’ici à mars 2020.