La chute des bourses lors des derniers mois reflète un dérèglement des systèmes bancaires, financiers et monétaires. Doit-on y voir l’annonce d’une crise de grande ampleur ? Tout d’abord, pourquoi les marchés sont-ils aussi agités ? On doit bien sûr mentionner la Chine vers laquelle tous les regards se tournent depuis l’été dernier, mais aussi les cours du pétrole, l’inflation stagnante en Europe ainsi que le risque de récession aux États-Unis. Après la crise des subprimes en 2008 et celle des dettes souveraines en 2011, les économistes sont circonspects et craignent une nouvelle déprime. Nous allons ici faire un petit tour d’horizon des ce qui suscite la crainte des investisseurs.
Les banques centrales ont usé et abusé de la planche à billets…
C’est un procédé qui peut s’avérer utile à court terme seulement, mais qui a été largement utilisé par les banques centrales depuis le début de la crise, afin d’aider les économies en difficulté comme la Grèce, l’Espagne, l’Italie et la France. La Banque Centrale Européenne a racheté des milliards de bons du Trésor pour créer de la monnaie et assouplir les conditions d’emprunt des consommateurs, afin de stimuler la consommation et faire repartir l’économie. Mais cela alimente aussi une demande artificielle pour les obligations d’État et créé des quantités astronomiques de liquidités.
Ni la planche à billets, ni les taux d’intérêt négatifs ne sont des solutions miracle de relance de l’économie.
« C’est là qu’il y a danger, puisque cette monnaie est créée en quantité tellement gigantesque qu’on fabrique ce qu’on appelle des bulles », a déclaré Patrick Artus à France Inter. « Etant donné la taille de cette bulle, qui est bien plus grande que la bulle immobilière américaine qui a fait la crise des subprimes, la crise sera encore bien pire », a-t-il ajouté. Ces liquidités se déplacent ensuite d’un marché à un autre et créent une instabilité dangereuse, en particulier dans les pays émergents, au risque de saborder de entreprises saines, tel un bateau surchargé qui peut chavirer lorsque ses passagers de déplacent sans cesse de bâbord à tribord. Pour le moment, l’argent public coule à flots, ce qui semble anesthésier toute lucidité. Mais certains prédisent que le réveil pourrait être violent, avec le risque d’une explosion de la bulle obligataire.
Les taux d’intérêt négatifs, considérés comme loufoques il y a quelques années, sont devenus un outil presque normal de politique monétaire.
… alors que leurs taux sont déjà à zéro ou en territoires négatifs
Les banques centrales ont baissé les taux d’intérêt à un tel point que leur marge de manœuvre est à présent limitée. Aujourd’hui, de plus en plus de pays au sein de la zone euro et du monde présentent des taux d’intérêt négatifs, afin de lutter contre la déflation. Les taux d’intérêt négatifs, considérés comme loufoques il y a quelques années, sont devenus un outil presque normal de politique monétaire. Ils peuvent avoir une certaine utilité pour stimuler l’économie, mais comprennent aussi des risques potentiellement élevés et sont contre-productifs si tous les pays utilisent cette même stratégie, la répercussion la plus néfaste étant le retrait d’argent des consommateurs au sein des banques, ce qui affaiblirait le système financier. En résumé, les taux d’intérêt négatifs ne sont pas une solution miracle pour relancer l’économie.
Dans le secteur pétrolier, 250 000 personnes ont déjà perdu leur emploi.
La baisse du pétrole : ses risques financiers, géopolitiques et écologiques
Si la baisse du prix du pétrole est une aubaine pour le consommateur occidental, il en est tout autrement pour l’économie globale. Presque chaque semaine, le baril de brut s’échange à des prix toujours à la baisse, jusqu’à atteindre les $28 le 20 janvier dernier. Les conséquences sont dramatiques pour l’emploi du secteur pétrolier, peu habitué à de faibles marges, et qui licence à présent à tours de bras. Ça n’est pas moins de 250 000 personnes qui ont perdu leur emploi dans le monde en 2015. Il y aura également des pertes pour les banques dans une moindre mesure, étant donné que le portefeuille pétrolier ne représente que 2% à 3% de l’exposition, contrairement à un tiers pour l’immobilier lors de la crise des subprimes. Rares étaient ceux qui pariaient sur un effondrement du baril de pétrole, tant l’ogre chinois était demandeur d’or noir. Mais avec la baisse de production industrielle de la Chine, on assiste à une offre en dents de scie, entre une demande qui pique du nez et une offre de plus en plus abondante. Les membres de l’OPEP sont en cause : ils produisent le pétrole à tours de bras pour mettre hors-jeu les puits de schiste des États-Unis. C’est une guerre des prix que se livrent alors les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite, non sans dommages collatéraux.
En 2015, la croissance de la Chine a été à son taux le plus bas depuis 25 ans.
La dégringolade du géant chinois
Depuis l’été 2015, la Chine ne cesse de faire paniquer les marchés. Ce sont les publications d’informations inquiétantes sur la santé de la deuxième puissance économique mondiale qui ont tout d’abord mis le feu aux poudres, alimentées par la nouvelle baisse de la production industrielle en décembre 2015, avec une contraction pour le dixième mois d’affilée. Aussi les prix en sortie d’usine ont chuté, pendant 46 mois consécutifs. Enfin, si on ne devait retenir qu’un chiffre, ce serait celui-ci : 6,9 %. C’est le taux de croissance de la Chine en 2015, au plus bas depuis un quart de siècle. Ces déconvenues alimentent les doutes des investisseurs quant à la bonne santé de l’économie, ainsi qu’à la capacité de Pékin à prendre de bonnes décisions, d’autant plus que la fiabilité des statistiques chinoisent laissent à désirer. La réalité pourrait donc être bien pire que ce que laissent apparaître les chiffres.
Il est en revanche tout à fait normal qu’après des décennies de croissance à deux chiffres, la Chine observe un ralentissement et gagne en maturité. Le pays est en pleine transition structurelle, et passe d’une économie exportatrice à une économie de services, porté sur sa demande intérieure grâce à des salaires en hausse et une consommation soutenue.